Bernard Pourrière. Les musiques de l’absence.
Il y a dans l’œuvre de Bernard Pourrière à la fois les signes constants d’un questionnement sur la place de l’homme dans le monde, un questionnement qui témoignerait à l’évidence d’une inquiétude face aux transformations du vivant ou à l’existence des mondes virtuels, et une manière d’émerveillement froid reprenant avec une ironie discrète les méthodes et les outils des techno-sciences agents de ces transformations.
Le questionnement n’emprunte pas les voies d’une figuration humaine ou d’une approche de fiction psychologisante. Nous sommes plutôt face à un monde vide, un monde de la rareté et de l’absence. Quelques performances interpellent parfois le public, quelques images montrent des personnages vêtus généralement de combinaisons blanches impersonnelles souvent complètement masqués : l’homme alors semble en être réduit à n’être qu’un opérateur anonyme dans des lieux ressemblant à des laboratoires.
Ou bien apparaît-il seulement par les « empreintes » de ses mains ou des objets tenant à son corps. Empreintes de mains dessinées sur le sol d’une serre disposées comme des plantes alignées. Objets, tels gants et chaussons, ici maintenus au sol comme d’étranges fleurs (gants de caoutchouc gonflés), là comme vases dans lesquels sont installées des mottes de gazon (chaussons jetables de chirurgien). Allégories d’un monde transformé par l’homme laissant partout son empreinte et rappel des premiers signes humains, décisifs, dans le lointain paléolithique. Manières insistantes de dire aussi une confusion entre l’humain et le monde vivant dans son ensemble que tout le travail va illustrer par différents biais.
Le projet d’installation Body (2000) offre l’image d’un espace aux murs d’un rouge sombre et intense. A gauche et à droite, deux moniteurs, écrans à l’horizontale, font deux taches vertes comme une évocation de végétation indistincte. Au fond, deux sphères jumelles sont présentées par l’artiste comme deux bulles transparentes, sorte de mini-serres. Le mot BODY figure à côté des deux serres en lettres droites écrit en rouge vif. Au sol enfin, au beau milieu de cet espace une empreinte de main de la couleur verte affichée par les moniteurs. Lorsque Giuseppe Penone tout jeune encore avait voulu dire le rapport de l’homme au monde rural de son enfance il avait réalisé une œuvre in situ sur un arbre vif (1) : le moulage de sa main en acier avait été placé sur un jeune tronc en prévision de sa croissance. Le bois venant progressivement envelopper la main de métal. Cette vision balancée et violente du contact avec la nature était celle d’un homme né en 1947. Bernard Pourrière semble avec cette empreinte verte évoquer un autre pouvoir comme passant par l’interface d’un écran tactile ; juste poser une main. On ne saurait mieux résumer l’esprit de la série des œuvres réalisées depuis 1998. Elles présentent un monde où l’homme est partout, par ses empreintes, par ses artefacts (moniteurs, bulles, lampes…), par son architecture résolument anti-naturelle…mais où finalement il est nulle part. Dans BODY son corps absent se limite à n’être qu’un mot dont la couleur rouge ne manque pas – tout comme le rouge dominant de la pièce opposé au vert végétal- de renvoyer au sang. Un sang que précisément le Body Art s’appliqua à montrer dans sa réalité comme ultime moyen de donner sens à l’œuvre mais qui ici n’est appelé que comme référent absent. Un sang qu’on pourrait tout aussi bien voir dans l’installation (Pelouse,1998) où un flacon de perfusion rempli d’un liquide rouge « nourrit » un carré de gazon placé sur un petit chariot à roulettes. La nature sous perfusion…
Soudain , pourtant, crûment, l’homme apparaît, nu, faible, un homme d’avant l’homme. Dans la vidéo présentée pour la première fois à Digne, des images de fœtus filmés par échographie in utero envahissent l’écran. Sur la vitre du moniteur elles forment comme une collection de petites formes larvaires animées de mouvements incertains teintés tout uniment de bistre.
Les documents proviennent d’une recherche sur Internet : images médicales provenant des Etats –Unis (et proposées à la vente aux futurs parents). On a nettement l’impression que c’est la prolifération qui a retenu l’artiste, le bourgeonnement proche parent de tous les développements de la matière vivante. L’homme ramené à sa nature cellulaire promis aux mêmes manipulations que l’ensemble du règne vivant. Le dévoilement « médical » de cette génèse, jusque là mystérieuse, anticipe de peu les pratiques eugéniques à venir. La domestication du monde étant bien, d’abord, domestication de l’homme lui-même.
Dans l’ensemble des œuvres, autre manière d’en référer à l’homme, l’auteur s’efface tout comme les ordonnateurs du monde nouveau ; les laborantins en combinaisons blanches ne sont que des exécutants. Où donc trouver l’homme ? On pourrait repérer dans une installation (Où suis-je ?, dimensions variables, 1996) la manifestation précoce de cette disparition. Où suis-je ? ne pose pas seulement la question de l’observateur et de son rapport à la chose observée. La mention « 135 F 8 » inscrite dans l’installation, faisant suite aux mots titres Où suis-je ?, nous dit bien la relativité du point de vue ; vitesse et focale déterminant ce que l’on peut saisir du monde. La carte appuyée contre le mur, la tente et l’équipement du randonneur ajoutent leurs propres questions : entre représentation spatiale cartographique et expérience de la marche comment prendre la mesure du temps et de l’espace, comment se situer ? Cette installation était en quelque sorte l’aboutissement d’une série de travaux attachés à la notion de territoire (plus qu’à la question du paysage) en usant de plans, cartes, photos, collages, objets de signalétique. L’intérêt portant plus sur les dispositifs et des approches fragmentaires que sur la belle forme d’un ensemble sensible. En somme une démarche fidèle aux origines conceptuelles du Land Art. Où suis-je ? ne surprend pas dans un tel contexte. Les Non-Sites de Robert Smithson ne parlaient-ils pas de cette impossibilité de désigner le lieu, le topos ? Les cartes renvoyaient bien à des sites précis dans lesquels il avait pris ses échantillons de roche. Mais ces sites étaient, soit introuvables, soit lieux chaotiques, effondrés, tels d’anciennes carrières abandonnées…La formule voulait provoquer un va et vient exemplaire entre un réel introuvable et ses représentations. L’homme lui-même n’est en fait jamais où il se trouve ; toujours « entre », entre lieu et « milieu », entre une réalité sensible et des représentations dans un incessant travail d’ajustement conceptuel et symbolique ( la « médiance » selon le géographe Augustin Berque). Les propositions du début des années 1990 renvoient bien à ces problématiques.
Mais, ce que je voudrais retenir ici, c’est que Bernard Pourrière adopte l’outil informatique en 1998. Et que, dès lors, la question de la place de l’homme rebondit à travers les perspectives vertigineuses ouvertes par l’ordinateur. L’artiste fait partie d’une génération qui a pu ressentir de manière privilégiée la continuité des questions posées par l’art conceptuel avec la réflexion suscitée par la révolution numérique. Une réflexion portant sur l’éclatement des anciens repères spatio-temporels d’une humanité vivant dans une sorte d’ubiquité mondiale à travers les réseaux du net et sur la construction du sujet dans ce nouvel environnement.(2) La question « Où suis-je ? » n’est-elle pas celle qui se pose à chacun dans le nouveau monde ? Un « Où suis-je ? » qui est aussi un « Qui suis-je ? » inévitablement, tant la question du lieu (et du temps) recoupe celle de l’identité. Quelle conséquence lorsqu’on passe d’une parole « échangée » à travers les rituels de la communication et de la transmission à une information « collectée » sur le réseau ?
Quelle notion du réel quand il tend à se confondre à un monde virtuel sans que l’on sache où commence l’un et où finit l’autre et que ce monde devient selon les mots de Philippe Quéau, un « monde intermédiaire » avec ses propres lois, ne donnant plus l’ancrage d’un référent sensible offrant sa résistance ? (3) Un monde humain, bientôt totalement humain, où l’homme devrait se reconnaître dans une sorte de transparence à lui-même dans les artéfacts produits et les modèles mathématiques qui les animent ? Une transparence oubliant l’ombre de toute chair ; « Si le monde est ce qui résiste, déborde, dérange contredit ma représentation -définition minimale du « réel » en tant que catégorie- nous ne sommes plus très loin de la fin du monde, au sens philosophique de l’expression »(4), écrit à ce sujet Régis Debray. Et de la fin d’un certain type de rapport au monde dont l’étrange froideur des œuvres de Bernard Pourrière porte la marque. Autre figure de l’absence.
Le thème de la serre tant de fois repris paraît bien conforter cette perspective. Il ouvre sur un monde observable, clos, maîtrisé où toute chose est isolée. On trouve dans les œuvres de jeunesse, très tôt, une attirance pour le verre. L’une des séries de photos significatives des années 1985-86 est faite à partir de maquettes de vitres brisées dans lesquelles jouent lumière naturelle et lumière artificielle. Une autre série voit les morceaux brisés recouverts de peinture noire pour former des constructions sévères avec découpes franches de zones claires en fort contraste. Il y a assurément là une interrogation sur le pouvoir de la lumière, sans qu’on puisse y voir une volonté de dramatisation baroquisante. La photo en noir et blanc reprend parfaitement le propos, le motif semblant précisément inventé pour ce médium en se limitant à ce qui en est l’opposition pertinente première. Il y a peut-être là le signe d’une manière de faire particulière, une volonté de manifester dans les œuvres de façon évidente les propriétés d’un médium privilégié que l’on retrouvera plus tard.
Reste donc cette fascination précoce pour le verre et la lumière promise à un avenir profus à travers l’utilisation des films plastiques, des bocaux de verre, des tuyaux de plastique transparents, des tubes cathodiques, des tubes de néons, des représentations ou réalisation de serres. Mais que signifie la lumière dans ce nouveau corpus ? Sans doute plus une source d’énergie que la condition de la visibilité, du dessin et de l’intelligence. On trouve spots ou néons un très grand nombre de fois, prés des simulacres de plantes, installés à même le sol ou distribués de manière égale dans l’espace pour donner pleine lumière sous tous les angles . Néons distributeurs d’énergie dans la lignée des traits de lumières de Mario Merz, lampes attachées aux câbles électriques redisant le flux qui les traverse. Lumière, aussi, éliminant le relief des choses nous ramenant par ce détour aux écrans sur lesquels elles ont été pensées (tout comme le noir et blanc ramenait tout à l’heure à la photo, au médium photographique). Car le travail de l’artiste se fait à partir de 1998 essentiellement à partir d’images réalisées sur ordinateur. Dessins, couleurs, textures, lumières sont données par la maquette infographique en images 2 D ou 3 D. Le projet peut en rester là ou être mis en œuvre, mais en gardant l’aspect de l’image vidéo. Et s’affirme alors le caractère de pleine lumière déjà signalé, comme pour dire une parenté avérée avec l’image télévisée, telle qu’elle est proposée dans la grande majorité des programmes ; « Art de plein jour obligatoire , l’image télé ignore le clair-obscur (…) L’œil ne pénètre pas l’espace. Il glisse sur des surfaces abstraites, d’un volume à l’autre, dans un rapport non plus physique mais purement optique et géométrique ». (5)Un art de plein jour dans lequel nul secret, nul récit ne trouve sa place. Un monde de l’immédiateté ou de « l’obscénité » selon le mot de Jean Baudrillard évoquant ce dévoilement voulant ignorer tout repli..
On pourrait voir confirmation de ces remarques dans la rupture très nette de l’utilisation du noir et blanc et l’arrivée subite et triomphante de la couleur à partir du moment où Bernard Pourrière utilise l’ordinateur. Images et projets font appel à des rouges, verts, bleus, jaunes intenses ; couleurs d’écran qui trouvent leur répondant dans l’utilisation de plastiques industriels des mêmes teintes dans les installations comme pour inviter à une « hygiène de la vision » ainsi que le faisait le jeune Martial Raysse au début des années soixante quand il proposait aux spectateurs de manière provocante ses assemblages d’objets en plastique aux couleurs criantes pris aux étalages de Monoprix. L’anti-romantisme, le refus des « gris peintres », des nuances et des ombres de la génération du Pop Art trouve, chez Bernard Pourrière, une descendance imprévue.
A Digne, un mainate, proche parent du perroquet, apprend à chanter au milieu de cages vides où sont diffusés des chants d’oiseaux enregistrés et retravaillés par l’artiste (Langages, installation, 2005). C’est la première fois qu’il introduit dans ses pièces un animal vivant. Les autres productions nous avaient montré des images de plantes et de bêtes , toutes issues d’un monde familier ; salades, fleurs, poules, coq, faisant, chèvre, vache. Images d’un monde domestiqué, de commensaux que l’on devine promis à une artificialisation complète à travers le génie génétique. Toutefois, ces pièces sont loin de rendre compte directement de l’horreur des élevages modernes. Elles se contentent de pointer un univers techno-scientifique où chaque individu paraît être l’objet d’une survie contrôlée ; deux tomates posées au sol reliées à deux flacons emplis de liquide rouge (6), quelques oiseaux apparaissant de manière aléatoire parmi une vingtaine d’écrans de moniteurs (7)... L’artiste observe, range, classe, aseptise, protège, conserve, enveloppe, cultive… Dans le domaine de l’histoire de l’art, nous sommes plus proches des containers étranges au design net et coloré d’un Ashley Bickerton que de l’interpellation d’un Joseph Beuys aux animaux, nos frères souffrants (8).
Si Bernard Pourrière attire notre attention sur le milieu humain et le monde clos des serres-laboratoires en montrant la dénaturation croissante de l’homme et de son environnement, il le fait en s’intéressant moins au cycle des matières, qu’à l’échange des signes, proposant des variations sur un thème donné dans un esprit marqué par une sensibilité abstraite. Sa vision du cycle du vivant devient l’occasion d’un traitement d’une « information » désincarnée. En témoignent les œuvres présentes à Digne : Vaches, Thériomorphe, Langages.
Dans Vache (série de 12 images infographiques de 40 x 50 cm et des images- projets de volumes), le point de départ est donné par une image de vache. Son dessin est découpé en d’étranges fragments, parfois reconnaissables, utilisés dans un jeu fantaisiste de copiés- collés. Les figures obtenues sont bien éloignées de tout ce qu’une vache peut évoquer de lourdeur, de mamelles et de lait. Cette apparente indifférence à l’imaginaire de la vache est précisément le ressort de l’œuvre proposant la maquette surprenante d’une sculpture faite de la reproduction des deux pattes avant de l’animal et d’une partie se sa poitrine tranchée net à l’horizontale, le tout habillé d’une mosaïque de petits miroirs. Le travail de collecte-découpe-collage est aussi à l’origine des figures de Thériomorphes (série de 10 images infographiques de 60 x 80). L’artiste a recherché sur Internet les images des squelettes (hommes et animaux) de cette fouille virtuelle et les a recomposés dans l’affolement d’un copié-collé monstrueux. La galerie devient une sorte de non-lieu où se laissent lire les croisements improbables d’informations déjà encodées.
Dans Langages , un mainate vivant entend les chants d’autres oiseaux provenant de cages vides. Ces chants n’ont pas pour origine une collecte faite par l’artiste en milieu naturel mais, comme précédement, ses recherches sur Internet. En somme, paradoxe de notre temps, une enquête d’Histoire Naturelle à travers les serveurs de tous horizons ! Chants de divers lieux n’ayant aucun rapport entre eux. Chants déformés par les conditions de leur saisie. Et enfin, chants retravaillés par l’artiste. Ce qu’apprend le mainate, ce qu’il est censé répéter, ce sont ces chants de nulle part diffusés au gré des mouvements imprévus des visiteurs formant des ensembles variables. On ne saurait mieux signifier l’artificialisation de notre monde. Non sans ajouter une dernière ruse. Dans toutes les autres œuvre sonores réalisées à partir des chants d’oiseaux( déjà exposée ou éditées) (9), le matériau sonore est traité suivant des structures d’organisation et des tempos observés dans les chants d’oiseaux eux-mêmes ! « Les chants d’oiseaux sont découpés en séquences qui peuvent s’intervertir les unes avec les autres de façon calculées ou aléatoires. Dans chaque séquence le rythme et les intervalles sont modifiés et peuvent inclure des crescendos, diminuendos, accelerandos, ritardendos… » déclare ainsi Bernard Pourrière à propos de son installation sonore Pensées esthétiques de 2005. La boucle est donc bouclée là où on ne l’attendait guère. Ce monde construit et déformé revient par le caractère même de l’organisation musicale à une source naturelle – le chant des oiseaux- que certains chercheurs aujourd’hui présentent comme origine possible de la musique voire même du langage des hommes : une source qui dans son éclat ,ses répétitions, ses jeux semble dépasser les limites d’une stricte détermination fonctionnelle : « Les chants de l’oiseau montrent des caractéristiques qui témoignent plutôt d’une dimension esthétique de leur production » écrit Dominique Lestel (10) . Ainsi partagerions-nous avec les oiseaux quelque chose qui relève d’une dépense gratuite et merveilleusement organisée. « La compatibilité des chants d’oiseaux avec nos propres critères esthétiques n’est certainement pas fortuite ». (11) Plus troublantes, s’il se peut, apparaissent les recherches rapportées par Jean-marie Pelt quand il évoque longuement l’influence de la musique sur les plantes (et au-delà sur tous les êtres vivants, car ce sont les structures moléculaires constituant la base des mécanismes de la vie qui sont en cause, identiques pour tous). La chose a fait sourire, mais Jean Marie Pelt documente fort sérieusement ses propos…Et voici que par un détour imprévu nous revenons aux chants d’oiseaux et aux serres de l’artiste cette fois réunis dans une perspective nouvelle : « L’utilisation de la musique à des fins de productions agro-alimentaires n’est pas nouvelle. On cite les agriculteurs des îles du Pacifique qui imitaient le chant des oiseaux de leur région afin d’améliorer le rendement de leurs cultures ; des pratiques qui existaient également aux Indes ». (12) Y-aurait-il donc un chiffre caché unissant tous les règnes, une mélodie secrète courant de l’un à l’autre ? L’univers du tout numérique ne serait pas, à ce compte, l’instrument d’une coupure radicale avec les choses, mais peut-être bien, l’outil qui permettrait d’entendre cette musique et d’y mêler notre voix pour peu que le plaisir de la création nous habite. L’invention « musicale » des combinaisons fragmentaires pourrait donc à terme nous reconduire à une nature se révélant progressivement dans ce qui semblait nous en écarter radicalement… C’est l’horizon que semblent dessiner les travaux récents de Bernard Pourrière.
Notes
1 Giuseppe Penone, Il continuera à grandir sauf en ce point, 1968-1978, main d’acier et arbre.
2 « Si la question d’appartenance se pose aujourd’hui, c’est en des termes nouveaux. Elle concerne en effet un sujet « expansé » et souvent expatrié, vivant à plusieurs échelles d’espaces et de temps, libre (et parfois contraint) de se lier à une communauté (comme de s’en absenter) » , écrit Norbert Hillaire ( Œuvre et lieu, Paris, Flammarion, Essais et Documents, 2002, p.118). Il remarque en outre la manière dont la logique spécifique d’un médium affecte le tissus concret de l’espace dans lequel nous vivons : « Il semble en effet que ce modèle se soit à son tour imposé, après le cyberespace, à l’espace réel des territoires et des villes qui en reproduisent les modalités et les modes de fonctionnement… ». Marc Augé fait des remarques semblables dans les lignes qui suivent. Notre monde « pousse à son comble l’instabilité spatiale et la multiplication des changements d’échelles (…) Chacun est ou croit être en relation avec l’ensemble du monde. Aucune rhétorique intermédiaire ne protège plus l’individu d’une confrontation directe avec l’ensemble informel de la planète, ou, ce qui revient au même avec l’image vertigineuse de sa solitude », ( in Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Flammarion, Coll. Champs, 1994).
3 Philippe Quéau, Métaxu, Théorie de l’art intermédiaire, Seyssel, Champ Vallon, Coll. Milieu, 1989.
4 Régis Debray, Vie et mort de l’image, Paris, Gallimard, Folio-Essais, 1992, p.417.
5 Régis Debray, op. cit. 435
6 Installation, sans titre, 2 x 3 m, 2000, linoléum rouge orangé et linoléum blanc, 4 tomates fraîches, 2 flacons de liquide rouge, 2 sphères plastique, 2 néons (lumière chaude et lumière froide), 2 petits cercles en pelouse plastique.
7 Projet d’installation, image numérique, sans titre, 2000.
8 L’art contemporain a produit ces dernières décennies quantité de serres et de vivariums très différents. La serre de l’artiste israélien Avital Geva est tout bonnement une serre où lui même et ses élèves cultivent leurs légumes, les cultures de Portable Orchard (verger portable) de Newton Harrison (Etat-Unis) mettent dans une galerie des plantes et la lumière qui les tient en vie, et Carsten Höller (Allemagne) met en place un « suicide de plante » prête à s’échapper par la fenêtre par un dispositif burlesque….
On peut repérer la même diversité de traitement des vivariums depuis ceux de Huang Yongping (Chine) et Henrik Hakansson (Suède) qui nous permettent d’assister aux repas pris, ici par des tortues, là par une plante carnivore, jusqu’aux performances de Louis Bec simulant le périlleux exercice consistant à nourrir ses créations chimériques dans de grands vivariums-serres. Il nous a été donné à voir bien des spectacles nous invitant à méditer sur le cycle de la vie et de la mort sur des modes divers.
9 On pourra écouter les cinq CD (Arca Studio) cités ci après ;
Variations sur chant d’oiseaux, 2001.
Produits du net, 2001.
Domestique, 2002.
Games in the forest, 2004.
Pensées esthétiques, 2005.
10 Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, Paris, Flammarion , 2001 p.210
11 id. p.210
12 Jean-Marie Pelt, Les langages secrets de la nature, Paris, Fayard, 1996, p. 273
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